Accueil»Collégiale et Calvaire»Poésie : L’église de Saint-Barnard, Adèle Souchier, 1874

Bien qu’ayant surtout vécu à Valence, Delphine Adélaïde Souchier, dite Adèle Souchier, est née le 27 août 1832 à Romans-sur-Isère de Xavier Etienne Souchier, docteur en médecine dans cette ville, et de Marie Magdelaine Peyre.

Ses premières compositions parurent sous de simples initiales, dans la Revue du Lyonnais, et c’est là que Joséphin Soulary, l’éminent poète, les ayant remarquées, voulut connaître la plume qui les avait écrites.

Sur ses vives instances, Adèle Souchier se décida à réunir et à publier sous son nom ses premières poésies, et c’est grâce à cette intervention que nous vîmes éclore Les Roses du Dauphiné en 1870 puis une nouvelle, La Fontaine du diable en 1872, et un roman, Denise de Romans et Guillaume des Autels en 1875, dont les sujets sont essentiellement dauphinois.

D’ailleurs, il règne dans toutes les publications d’Adèle Souchier un profond amour de sa province et plus spécialement encore dans le dernier recueil poétique publié sous le titre Branches de Lilas offertes à mon pays en 1874.

« A mon beau Dauphiné j’ai consacré ma lyre », nous dit l’auteur dans ce volume et jamais affirmation ne fut plus véridique.

L’église de Saint-Barnard

I

Belle, vaste, élancée en sa grandeur de pierre,
En sa nef où ne luit qu’une pâle lumière,
Mystérieuse avec cette noble sombreur,
La vieille église règne, au sein de sa hauteur ;
Le regard sérieux se plonge dans la voûte ;
Tout fait silence… Eh bien ! le voyageur écoute,
Il écoute longtemps un écho du passé…
Un sentiment de foi ne s’est point effacé
Dans le coeur de l’artiste, il rêve, il prie, adore
Le grand Dieu de ce temple, et puis il rêve encore.

– Quelles mains, se dit-il, élevant ce vaisseau,
Lui mirent un cachet et si pur et si beau! –
Moines de saint Barnard au talisman magique,
C’est à vous que l’on doit ce monument antique ;
Chacun de vous offrait son travail au Seigneur,
Comme un hommage ému de généreuse ardeur.
Salut au choeur gothique, un chef-d’oeuvre suprême !
Ce choeur majestueux semble fier de lui-même !
Le jour tremble au travers de ces riches vitraux,
Tel qu’un dernier reflet sur de rouges rideaux ?
O tableau solennel ! que pense donc une âme
Que l’art des anciens jours enivre avec sa flamme ?
L’esprit évoque alors plus d’un grand souvenir ;
A genoux ! à genoux ! Jéhova va venir !
L’éclair a-t-il jailli ? la foudre gronde-t-elle ?
Séraphins, cachez-vous sous les plis de votre aile ;
Musiciens du ciel, prenez vos lyres d’or,
La harpe de David, prophétique trésor !
Chantez, blonds Séraphins, étoiles de l’espace,
Descendez parmi nous, ô bijoux pleins de grâce !
L’imagination flotte dans ce saint lieu,
Digne à la fois de l’art et des regards de Dieu.
Mais la réalité vient effacer le rêve…
Qu’est-ce ? La cloche sonne… et le doux chant s’achève…
Oui, des glas ont tinté ; – l’artiste restera
Quelques instants encor ; – peut-être il pleurera.

II

Le cercueil d’une jeune femme !
Un coeur d’ange sous le drap noir,
Un beau corps privé de sa flamme,
Avenir brisé sans espoir !

Chacun la suit : – c’est une mère
Qui laisse deux petits enfants,
L’un qu’on porte… ô douleur amère !
Est-il des sanglots étouffants !…

On vantait sa candeur divine,
Sa douce et charmante beauté ;
Ce n’est donc plus qu’une ruine !
O mort, quelle est ta cruauté.

Les regrets, sur sa triste bière,
Lui font comme un bouquet d’amour,
Une couronne tendre et fière ;
Mais l’ange est au divin séjour !

C’était une si fraîche rose !
C’était l’orgueil de la cité.
Et tout bas, l’on pleure, l’on cause
De son renom bien mérité.

Puis le regard suit, dans l’église,
Les enfants vêtus de son deuil,
Frêles comme la frêle brise,
Ignorant encor le cercueil !

III

L’étranger a pleuré. – Les larmes de l’artiste
Ont parfois quelque chose et de doux et de triste ;
L’art épure notre âme et développe en nous
Ce sentiment exquis dont les grands sont jaloux.

Je n’ai jamais revu la vieille et belle église
Sans y voir ce cercueil… et quand j’y suis assise,
J’aperçois l’enfant pâle, aux yeux noirs, qu’on portait,
et qui pleurait sans doute, alors que l’on chantait
Un hymne de douleur, un hymne pour sa mère.
Ce temps est loin, mon Dieu ! c’est un songe éphémère,
Mais l’enfant d’autrefois vient poser, en ce jour,
Sur ce drap noir, son luth, comme un gage d’amour !

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